CONCEVOIR DES PORTRAITS-PAYSAGERS FILMIQUES
Expérimenter en stage
Les parcours-commenté sont testés avec différentes configurations.
L’apport de la vidéo apparaît comme contraignant dans les échanges et chronophage dans le traitement et l’organisation des données.
- Arpentages
- Identification de 4 personnes au profil différents pour tester l’apport potentiel de la vidéo sur des parcours commentés
1er semestre 2018
encadrement de stage
d'un étudiant en DEP2 de Ensap Bordeaux
OBJECTIF :
explorer de manière critique divers méthodes et dispositifs pour enquêter sur les savoirs paysagers habitants et d’en éprouver les premières formalisations
Sous contrainte de temps l’exercice s’est concentré sur la figure de l’éleveur dont le discours fut traduit dans un petit livret au moyen de différentes illustrations graphiques
La traduction paysagiste opère un grand nombre de sélections en mobilisant les outils usuels de la professions (bloc diagramme synthétique, photos commentés) pour venir lié des lieux ou situations spatiales aux valeurs ou affects du discours de l’habitant à plusieurs échelles de temps et d’espace.
Se positionner
chargée de mission agenda 21 de la CCE
« Ève L. me présente le PAT et me demande comment je peux me positionner. »
Entrée journal de chercheur, 15 janvier 2019
« Cela permet de libérer la parole. De produire d’autres choses. Si c’est nous qui sommes à l’initiative les dés sont déjà joués et les gens se retiennent. De toutes les manières la collectivité ne peut pas tout mettre en place.»
Extrait conversation de terrain, 13 Novembre 2018
Du développement durable à la question agricole institutionnalisée : une maturation de longue date pour la CCE
« Toutes ces évolutions elles ont été impulsées dans les années soixante par la question de la rentabilité. Avant c’était plus harmonieux. Il y avait des pommiers dans les vignes et des haies. La rentabilité à amener les remembrements dans les marais ou dans les coteaux viticoles. Il faudrait changer de modèle ? Cela signifie une autre agriculture avec plus de circuits courts et de bio mais les évolutions sont lentes…”
Extrait intervention Philippe P., président de la CCE, rendu étudiants, février 2019
Ainsi, depuis sa création, la CCE porte dans son projet politique une culture du développement durable. Elle s’est engagée dès 2005 dans les questions environnementales par la validation d’un agenda 21.
Son programme d’actions pour la période 2016-2018 promeut des initiatives en lien avec l’alimentation et l’agriculture (élargir sur le territoire l’offre éducative dans ces domaines ; mettre en place une épicerie sociale et solidaire ; favoriser l’émergence d’une plateforme de compostage et de méthanisation des déchets agricoles ; mettre en place une bourse foncière forestière/agricole ; soutenir l’agriculture locale respectueuse de l’environnement). En conséquence, cinq services de la collectivité mènent des actions visant une alimentation de qualité et de proximité, ainsi que l’accessibilité et la préservation des espaces et des ressources. Si ces services sont informés des actions de tous, un fort cloisonnement apparait toutefois entre eux.
Le Projet Alimentaire Territorial : Un dispositif national à l’expression locale
Les PAT, issus de la loi d’Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, invitent les collectivités à s’impliquer davantage dans la question agricole sur leur territoire.
Une gouvernance multi-partenariale par « task force »
L’organisation et la gouvernance du PAT de la CCE se fonde sur un comité de l’alimentation et différentes
« task force » qui peut interroger sur leur pertinence. Une difficulté importante identifiée lors de mes échanges avec les différents chargés de mission de la CCE est le renouvellement de ce type de modalité au gré des changements de politiques publiques ou de personnels dans les collectivités territoriales souhaitant initier des démarches. Cette rotation répétitive, parfois à quelques années d’écart seulement et sans réel bilan, occasionne une sorte de « lassitude participative » (source : auteur, 2019).
Comprendre les relations paysagères entre vivants par le (mi)lieu
Pour construire des portraits-paysagers, je retiens avec Ève L. trois situations très différentes : un éleveur bovin, un important maraîcher du territoire et un couple de viticulteurs-aspergiculteurs qui pratiquent tous trois une agriculture biologique (AB) ; Le premier depuis son installation, tandis que les deux autres s’y sont convertis après des pratiques dites « conventionnelles » (utilisation de pesticides de synthèse).
Un premier échange avec eux par téléphone permet de préciser le contexte (recherche-projet CHP et PAT). Tous acceptent l’expérience. Un parcours-commenté est organisé sur chacune des exploitations.
Avril-mai 2019
parcours commentés
Les parcours-commentés se font In Situ.
Les échanges suivent la description des lieux,
le fil des situations et de la pensée. Les matériaux nécessaires à la fabrication des savoirs paysagers habitants doivent être au plus près de l’expérience ordinaire sans présumer de sa composition, et ce afin de ne pas prédéfinir les informations à récolter.
La ferme Top Légumes
1ère rencontre à la ferme Top Légumes
15 mai 2019
« C’est surtout par lassitude des produits chimiques et des traitements automatiques qui tapent sur le moral et le physique. Cela commençait à m’épuiser. Cela n’avait plus de sens. » (Extrait verbatim entretien du 15 mai 2019, support pour réalisation portrait-paysager)
3 ème rencontre
au château Marquet la Paillerie
31 mai 2019
« Chaque pratique en conventionnel trouve la parade en bio. C’est une intelligence avec le vivant. On y prend de plus en plus goût. On affine notre savoir-faire. »
La ferme de Pallard
Le château Marquet la Paillerie
2 ème rencontre à la ferme de Pallard
16 mai 2019
L’attention qu’il porte au non-humain, pas seulement aux vaches et taureaux de son exploitation, est particulièrement importante.
Il s’attarde sur la richesse botanique de ses
« prairies naturelles » qu’il découvre en détail grâce à une initiative locale de naturalistes, sur un arbre où se nichent des cigognes depuis plusieurs années malgré un feu, sur les souilles de sangliers, sur les iris et fritillaires.
Les quatre agriculteurs enquêtés considèrent ce changement de posture comme une évidence qui donne du sens à leurs actions.
L’éleveur me confie : « Je crois que je suis dans le vrai, donc voilà. Je suis dans le bon... Dans le bons sens quoi ! » ; et le couple de viticulteurs-aspergiculteurs concluent « Aujourd’hui on ne ferait surtout pas marche arrière. On se dit que nous allons dans le bon sens. »
Trier, sélectionner, organiser, formaliser : la fabrique des portraits-paysagers habitants
Le traitement a posteriori de chaque discours permet de les structurer autour de différents chapitres qui ne sont pas vus simplement comme des sous-catégories, mais comme des moyens de faire émerger un outil d’analyse et d’action : le thème-lieu paysager. Cet outil d’analyse aborde les dimensions relationnelles entre une question (un thème) et des lieux (continu ou discontinu). Ainsi selon les différents attachements l’eau, les prairies, les serres, une planche de culture deviennent des fils conducteurs pour la structuration interne du document. Des blocs-diagramme de synthèse permettent de contextualiser et de spatialiser ces éléments hétéroclites. Les savoirs agronomiques, naturalistes et/ou d’écologie scientifique du paysagiste sont, en cas de besoin, mobilisés en complément de ceux des agriculteurs. Ils permettent d’aborder de manière simplifiée les questions d’hygrométrie et leur gradient qui influent sur les parcours de pâturage toute l’année, la qualité du sol, les continuités écologiques, les auxiliaires de culture pour l’installation de serres ou sur la gestion des effluents de culture par percolation. Les portraits‑paysagers sont donc aussi un document technique qui aborde des savoirs et savoir-faire précis et localisés.
Chaque portrait-paysager est accompagné d’un titre synthétisant le discours selon un angle paysager identifié et retenu par le paysagiste-chercheur : un complexe agro-écologique à haute valeur paysagère pour l’éleveur, l’innovation paysagère pour le maraîcher et le paysage révélé pour le couple de viticulteurs.
Le premier comité de l’alimentation
1er comité de l'alimentation
Juin 2019
en plénière
env. 200 personnes
Extrait du journal local
Présentation des Mesures Agro-Environnementale (MAE) puis du programme régional VitiRev précède la présentation des portraits-paysagers qui est suivi d’un débat
Les portraits-paysagers articulent différentes échelles de temps et d’espace.
Ils figurent les réseaux d’attachements qui vont, par exemple, du nid dans les vignes à l’exploitation viticole, en passant par l’éthique qui fonde les pratiques culturales.
De cette façon, ils entremêlent lieux, affects, esthétique et éthique à différentes échelles. Ils offrent une mise en forme d’expériences sensibles qu’il est possible de restituer, de rendre accessibles, de faire circuler et de mettre en débat.
Un atelier est alors proposé aux participants pour expérimenter différents mediums afin d’illustrer des démarches d’innovation agricoles sélectionnés en amont selon différents critères
Juin 2019
Séminaire MARGINOV organisé dans le Médoc voisin
Une communauté de pratiques pour croiser les expérimentations
Le programme de recherche MARGINOV (cf. 2.2.4) permet de constituer progressivement une communauté de pratiques (Dameron & Josserand, 2007) de praticiens-chercheur issus de différents domaines de compétences touchant aux questions spatiales. Cette communauté se forme au travers de différents « séminaires-terrain » qui offrent, durant le programme de recherche, des temps d’expérimentation collective.
Une co-animation d’intérêt réciproque
La coordination se fait selon différentes opportunités et objectifs identifiées au fur et à mesure des actions. L’animation s’appuie sur la proximité et les relations de confiance entre élus, chargés de mission, habitants et paysagiste-chercheur
25 Juin 2019
Diagramme intermédiaire dessiné lors d’une réunion de travail avec des chargés de mission CCE : les objectifs s’affinent selon différentes opportunités par la coordination à différentes échelles de nombreux réseaux
2 ème comité de l'alimentation
Octobre 2019
Sur le thème de la consommation locale.
Je convie l’association du 4L café pour évoquer l’autoproduction dans les jardins écocitoyens
Sélection
Tri
Organisation
Trois thèmes-lieux pour chaque portrait
Crise du Covid
Tourner un film-recherche
Les trois tournages se déroulent sur le même modèle. Ainsi ils acquièrent le statut de film- recherche :
« Le vocable film-recherche recouvre une double acception : d’une part, les sujets, objets filmés s’inscrivent dans un questionnement scientifique, c’est à dire que la recherche est effectuée avec le film dans tout son processus, et d’autre part, la manière de filmer est interpellée dans sa dimension heuristique et renvoie aux gestes du cinéaste et principalement au geste documentaire »
Fin septembre 2020
Le tournage est organisé sur deux jours
Je propose pour introduire le propos trois questions identiques à chacun :
« À quoi es-tu attaché(e), ici ? Qu’est ce qui te touche ? Qu’est-ce que tu veux partager ? »
Les dispositifs méthodologiques de tournage sont rigoureusement les mêmes. Cette rigueur permet une formalisation en triptyque où chaque capsule audio-visuelle répond à l’autre.
Co-construire une écriture filmique
À peine 1/10ème du total récolté
Nouvelle mise à l'épreuve de l'outil portrait-paysager
Proposition aux Bobines du paysage pour 3 capsules audiovisuelles
L’association Visages//Paysages (créé en janvier 2021 et préfiguration de la future CHP) décide de participer aux défis en proposant des visites de fermes agro-paysagères ou des ateliers de jardinage et bricolage dans le réseau des jardins-écocitoyens. Elle fait aussi la proposition d’un ciné-débat sur la base du travail en cours de réalisation des portraits-paysagers filmiques. Ils doivent permettre l’ouverture d’un espace d’échanges et élargir la question de l’alimentation durable aux questions des paysages nourriciers.
Interroger l’alimentation durable par les paysages nourriciers
Proposition pour participer à un défi foyer à alimentation positive (DFAP) programmé deuxième trimestre 2021
Fin août 2020
Premiers échanges menés seul selon un entretien semi-directif
Septembre 2020
Deuxième rencontre sous forme de parcours commenté avec Les Bobines du paysage
Pour bâtir des portraits-paysagers,
je retiens trois agriculteurs locaux en circuits courts et pratiques agro-écologiques qui m’ont été recommandés : Valérie G., maraîchère ; Sébastien R., boulanger-paysan ; et Pierre L., éleveur porcin et maraîcher.
Deuxième semestre 2020
Deuxième semestre 2020
Crise du Covid
1/3 retenu pour le montage
Les critères de sélection relèvent d’évaluation objectivable (adéquation avec les images, qualité de la prise de son, cohérence et accessibilité de l’idée que l’on souhaite illustrer) mais aussi d’une subjectivité qui est négociée (sur les phrases retenues, la présence de musique, le rythme du montage). Les Bobines du paysage et moi-même nous réunissons régulièrement pour pondérer les éléments et nous mettre d’accord sur ce que nous retenons.
Un premier envoi des trois portraits est effectué pour évaluation des intéressés. Un échange collectif est réalisé par Zoom.
Les trois agriculteurs ne se connaissent pas et sont surpris de l’alignement des discours.
25 janvier 2021
« Je me retrouve complètement dans les trois »
« Ah ben mince, tu vois que t’as la même philosophie. T’as pas les mêmes phrases mais
on s’y trouve quand même pas mal. »
REMISE DOSSIER AMI
AVRIL 2021
Finaliser un film-recherche
L’approche méthodologique suit les quatre axes du géographe Olivier Bories dans sa manière de filmer : l’observation, l’émotion, la rencontre et l’ordinaire (Bories, 2019).
Elle fait « du paysage « un personnage », non plus un paysage-objet mais un paysage-sujet qui construit une connaissance du singulier.
Le résultat s’apparente à un film-recherche :
« Avec la prise en compte des émotions dans nos films-recherche nous assumons pleinement notre rapport d’intériorité avec les savoirs scientifiques et paysagers mis à l’écran, cette subjectivité et la positionnalité sensible et impliquée du chercheur dans son rapport au terrain (Volvey et al., 2012).(Bories, 2019)
AVRIL 2021
REMISE DOSSIER AMI
Echanger sur les paysages nourriciers
Les échanges au festival ont plus particulièrement porté sur les dimensions techniques et économiques de la vie paysanne dans un objectif d’autonomie
Les films sont mobilisés par un collectif local impliqué dans le réseau de la CHP pour animer un premier festival du film écocitoyen sur le territoire
Février 2022
Autre diffusion dans le cinéma
de Blaye voisin
Chaque représentation regroupe
des publics hétérogènes
Avril 2022
" En avril, ne te découvre pas d’un film "
Le débat est suivi par un pique-nique sorti du sac dans un jardin éco-citoyen. Cette séance est un point de seuil dans la légitimité de la démarche de CHP
Mai 2021
Première diffusion dans le cinéma
de Saint-Ciers-sur-Gironde
Journée partenariale
avec la CCE sur les questions alimentaires et de nutrition
« C’est un remerciement sincère d’être venu nous chercher et d’avoir pu nous donner l’opportunité de nous exprimer au-delà de notre production. C’est vraiment une expérience très intéressante et très riche. »
Pierre L.
« On sent beaucoup dans ces films la notion de projet. »
« Il y a un engagement qui est important dans ce qui est fait là. À partir d’un souvenir et d’une tradition, mais aussi avec une façon différente de l’aborder. Je pense que l’on aurait dit il y a quarante ans à des parents “le ragondin, on va faire autre chose que de le foutre dans une cage et le laisser crever” je parle volontairement de manière un peu grossière, ils nous auraient répondu : “ce n’est quand même pas cohérent”. Là, on évite que le ragondin vienne manger les citrouilles. On lui laisse de la place à lui aussi. C’est à la fois un mélange de bonnes connaissances d’un terroir, pas en tant que tel, mais un terroir que l’on reconstitue et que l’on approche à sa manière. Et tout d’un coup, derrière la notion de « paysage » c’est n’est plus la question de l’image. Derrière, il y a le rapport à l’eau, à la terre, à l’arbre, au végétal. C’est ce tricotage-là que vous créez avec des ingrédients qui existaient auparavant, mais aussi avec des ingrédients que vous apportez vous-mêmes par votre approche. Et autour, comment la société prend en compte cela ? Comment on peut comprendre l’importance des nourritures et les logiques dans lesquelles cette nourriture s’élabore ? Et aussi de quelle manière la nourriture du vivant s’élabore ? Penser aux oiseaux pour qu’ils puissent avoir leur quote-part, c’est aussi intégrer le projet au-delà des humains, du terrain immédiat. C’est ça qui est sacrément passionnant, mais aussi sacrément courageux et ambitieux. C’est aussi un signe de dignité et d’intelligence de l’individu humain dans un paysage. Que vous le traduisiez d’une manière aussi accessible à tout le monde est remarquable. C’est dans cette dimension que l’on passe du visage au paysage et surtout à la communication entre les uns et les autres, communication qui est verbale et non verbale. »
« Je vais parler pour le cinéma. J’ai beaucoup aimé ce travail ces pastilles, ces outils, ces modèles de cohabitation réussie avec le paysage. Portrait sensible, minimaliste. On a rarement des propositions filmiques aussi singulières au Zoetrope. Vous êtes trois magnifiques passeurs et interprètes. Je vous trouve tous à l’unisson. Cela me rappelle les haïkus japonais. On a envie de passer du temps dans ces lieux avec vous. »
Les six portraits-paysagers abordent six trajectoires de transition agro-écologique (diversification des exploitations viticoles au sein des exploitations, ensemble autonome de « fermes vivrières » avec productions et surplus en vente, circuits-courts et AMAP). En partant de la ressource territoriale, en mettant en valeur ce qui est là, il est possible de peser sans contraindre sur l’évolution des mentalités et des pratiques localisées. Cela permet une reconfiguration des réseaux en repositionnant les acteurs. Ainsi les collectivités et les élus ne sont pas à l’initiative mais sont impliqués dans une démarche à intérêt parfois, pas toujours, réciproques.